Le plus éminent des hergéologues nous a quittés. La planète Tintin est orpheline. Sa force de travail, son opiniâtreté, son dévouement à Hergé et son œuvre n’avaient d’égal que sa modestie. Il laisse une bibliographie considérable, qui m’a été de la plus grande utilité ces derniers mois, alors que je travaillais à mon « Que Sais-Je ? ».

Nous nous faisions signe de loin en loin. Nos derniers échanges ont eu lieu au début de cette année, quand, très diminué (il m’appelait depuis une chambre d’hôpital où on le soignait après qu’il eût été opéré d’une double tumeur au cerveau), il s’interrogeait sur le devenir de ses archives. La seule occasion que nous avions eue de travailler ensemble remonte à 2002, quand Nick et Fanny Rodwell avaient constitué une petite équipe composée de Joost Swarte, Philippe et moi-même, pour travailler à la conception du futur Musée Hergé qui devait être érigé à Louvain-la-Neuve par Christian de Porzamparc. Nous avions remis, à la fin de cette année, le synopsis de l’exposition permanente et à un cahier des charges à partir duquel le célèbre architecte se faisait fort d’emballer l’affaire en trois ans. Il ne livra finalement le bâtiment qu’en 2008, pour une inauguration l’année suivante. Philippe regrettait beaucoup le fait que nos commanditaires ne nous aient pas permis de le rencontrer : nous aurions aimé échanger directement avec lui au sujet de nos préconisations.

Le musée Hergé – © Tintinimaginatio

Celles-ci ne furent pas toujours suivies et je viens de retrouver une lettre que Philippe m’avait envoyée le 11 juin 2009, dans laquelle il exprimait sa relative déception : « Bâtiment admirable, tenant assez bien compte du scénario. Oubli délibéré (Nick et Fanny) des enfants dans le circuit. Parcours trop uniforme (pénombre partout, pas d’effets de surprise, pas de ruptures affirmées…). Pas de reconstitutions, peu de créativité… »  Des réflexions frappées au coin du bon sens.

Nos séances de travail s’étaient déroulées dans un excellent climat. Je me souviens de Philippe comme d’un homme courtois, réservé, à l’écoute, d’une grande intégrité : un modèle de chercheur et un vrai gentleman.