J’ai pu voir avec quelques jours d’avance, profitant de ce qu’elle était déjà installée, l’exposition « Gébé : un génie du dessin de presse », qui sera officiellement présentée à la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, du 6 mai au 19 octobre, dans l’allée Julien Cain (entre la librairie et la Galerie des donateurs). Cette exposition a été rendue possible grâce au don d’un vaste ensemble de dessins originaux fait par sa famille au département des Estampes et de la Photographie. Toutefois elle ne présente aucun document original : c’est une exposition constituée de 16 grands panneaux sur lesquels sont reproduits et commentés dessins d’humour, planches de bande dessinée (dont la formidable « Histoire pleine de bruit et de fureur », en 4 pages, parue dans Pilote le 17 août 1967), extraits de romans-photos, photographies, Unes d’Hara-Kiri et de Charlie Hebdo, affiches, livres, etc.

(photographié dans l’exposition)
L’ensemble fera sans doute découvrir à beaucoup, qui n’étaient pas lecteurs de ces journaux satiriques, un auteur encore trop méconnu, dont les commissaires nous assurent qu’il a « inventé un nouveau “journalisme artistique” où génie intellectuel et graphique vont de pair. » (On ne mégote pas sur le qualificatif de génie à la BnF). Et même ceux auxquels son travail est plus familier ne manqueront pas d’apprendre des choses : par exemple sur sa longue collaboration à La Vie du rail, sur la naissance du personnage emblématique de Berck, ou sur l’invention de la figure du professeur Choron dans les romans-photos dont Gébé fut le seul pourvoyeur dans Hara-Kiri de 1961 à 1966. On peut regretter que l’exposition ne s’attarde pas davantage sur certains moments clé de son parcours, en particulier L’An 01 sur le contenu duquel il ne nous est finalement pas dit grand-chose. Mais ce que l’on déplore surtout, c’est l’absence d’un catalogue qui reproduirait cette somme de documents. Il existe des livres sur Cabu et Reiser, il n’y en a pas sur Gébé et la BnF avait tout en mains pour réparer ce manque. Grâce soit rendue, du moins, à L’Association et aux Cahiers dessinés, dont les rééditions et compilations assurent la pérennité d’une œuvre unique et intemporelle.
Au sortir de l’exposition Gébé, je suis allé voir l’exposition Varda au musée Carnavalet (« Le Paris d’Agnès Varda, de-ci, de-là », jusqu’au 24 août). Du premier, on pouvait lire cette phrase en exergue : « On se bat pour toutes les libertés, celle d’aimer Proust comme celle d’être vulgaire et archi-vulgaire. Parce que c’est la dimension humaine. » De la seconde, ces mots : « Il m’est naturel d’aller de-ci, de-là, de dire quelque chose puis le contraire, et de me sentir moins piégée parce que je ne choisis pas une seule version des choses. » Les termes diffèrent mais la revendication de liberté, du droit d’être multiple et même de se contredire, est la même, ce me semble.
Le musée Carnavalet a demandé à Pénélope Bagieu d’illustrer le livret de visite de l’expo Varda. Il avait déjà, l’an dernier, fait appel à Florent Grouazel et Younn Locard pour créer des dessins intégrés à l’exposition « Paris 1793-1794, une année révolutionnaire ». Il est intéressant de voir que les créateurs de bande dessinée, désormais, sont non seulement exposés dans les établissements les plus prestigieux (voir mon billet précédent sur Benjamin Adam) mais également associés à des projets auxquels leur vision apporte une plus-value.