Le 23 mars débutera, dans le Pas de Calais, une exposition-rétrospective de l’œuvre abstraite du peintre français d’origine polonaise Ladislas Kijno (1925-1980). Une exposition, ou plutôt six expositions coordonnées, qui seront en place jusqu’au 4 août : à Labanque (centre de production et de diffusion en arts visuels, à Béthune), à la Chapelle Saint Pry (Béthune encore), à la Comédie de Béthune, à la Donation Ladislas Kijno (Nœux-les-Mines), à la Cité des Électriciens de Bruay-La-Buissière et la Maison de la Poésie de Beuvry. Un événement culturel d’ampleur considérable, donc, qu’accompagnera un programme riche de quelque 150 actions.

Parmi celles-ci, je me plais à signaler ici l’installation d’une bande dessinée murale longue d’une dizaine de mètres qui, depuis le 1er février dernier, occupe l’espace public de Béthune (juste à côté de Labanque).

Ladislas Kijno évoqué en bande dessinée par Frédéric Logez

Évoquant la vie et l’œuvre de Kijno, elle est signée du Lillois Frédéric Logez et s’inscrit dans la continuité de sa série de « Portraits debout », entamée en 2014 et que j’avais exposée au musée de la Bande dessinée en 2016 (ils ont, depuis, régulièrement été montrés à la galerie Art to Be située au cœur du Vieux Lille). Logez travaille sur la mémoire : mémoire familiale, mémoire historique et mémoire de sa région, le Nord. Chacun de ses « Portraits » (destinés, non à être imprimés, mais à occuper les murs) présente un personnage réel : soldat tué à la bataille d’Arras, immigrés italiens, artistes locaux ayant pratiqué l’art brut et autres figures souvent oubliées. C’est pourquoi ce travail me paraît s’inscrire exemplairement dans cette « rencontre entre les sciences sociales et les arts graphiques » saluée par Ivan Jablonka, dont je parlais dans mon billet précédent. Il s’inscrit aussi dans la continuité d’un art narratif et engagé qui s’est développé dans les années 1960-80, autour de la Figuration libre.

Frédéric Logez a un peu pratiqué la bande dessinée sous des formes plus traditionnelles ; on lui doit les albums Le Roi noir n’est pas noir (Maison, 2001), une histoire dramatique de la colonisation en Afrique occidentale, et La Bataille, Arras 1917 (éd. Degeorge, 2014) ainsi qu’une série de plus de 400 strips, Hôtel Bellevue, parue dans la presse. Mais c’est incontestablement avec les « Portraits debout » qu’il a trouvé le format correspondant à ses ambitions, ouvrant en pionnier une nouvelle voie, celle de la bande dessinée urbaine et mémorielle.

Frédéric Logez dans son exposition au musée de la Bande dessinée (photo Th. G.)