Le volumineux « Numéro spécial 77 ans » du journal Tintin qu’ont publié conjointement Moulinsart et le Lombard s’est d’emblée classé parmi les toutes meilleures ventes de la rentrée. Ses 400 pages revisitent l’histoire du journal à travers près de 70 histoires courtes ressuscitant les héros qui ont fait sa légende, de Michel Vaillant à Tounga, de Bernard Prince à Thorgal. La plupart des contributeurs sont des dessinateurs et dessinatrices relativement jeunes, qui n’ont pas connu les grandes heures de l’hebdomadaire bruxellois. Alix Garin, qui dédie ses pages sensibles au personnage de Pompon dans la série de Franquin Modeste et Pompon, confesse (p. 208) ne l’avoir jamais lu. De Fabcaro à Franck Biancarelli, ils sont sans doute un certain nombre à être dans ce cas. Mais si les éditeurs ont surtout sollicité des artistes de la bande dessinée actuelle, des « chevaux de retour » ayant apporté autrefois leur contribution au journal, tels Cosey, Dany, Derib ou Hermann, sont également de la partie.

Il faut bien reconnaître que, limitées à quelques pages, la plupart des histoires sont anecdotiques et ne dépassent pas le niveau du clin d’œil un peu vain. On remarquera que les quelques rares personnages à recevoir plus d’un hommage sont Ric Hochet, Blake et Mortimer et Buddy Longway, alors que n’apparaissent pas au sommaire Chevalier Ardent ou Chick Bill, ni aucune des créations de Raymond Reding, ni surtout… Tintin, Moulinsart et Nick Rodwell s’étant certainement opposés à ce que le reporter à la houpette revienne sous un autre crayon que celui d’Hergé. François Boucq assure le liant en ponctuant le volume d’interventions de son personnage de Jérôme Moucherot, qui cherche à rencontrer tel et tel héros ayant fait les grandes heures de l’hebdo pour lui vendre des assurances.

Il est frappant de constater à quel point les grands magazines qui ont marqué l’histoire du genre dans l’espace francophone cristallisent la nostalgie des bédéphiles, et combien les éditeurs eux-mêmes paraissent ne pas se consoler de leur disparition. Après les Humanoïdes associés ressuscitant Métal hurlant dans une formule combinant reprises et créations, Dargaud qui, de 2003 à 2010, avait publié cinq hors-série thématiques de Pilote, et les diverses relances avortées de Pif, cette initiative du Lombard en annonce-t-elle d’autres ? A quand le grand retour de Coq Hardi ?

Planche de François Boucq (détail). © Le Lombard/Moulinsart