Sous l’égide de Maître Sophie Renard, commissaire-priseur, une vente aux enchères a eu lieu mercredi 4 octobre sur le site www.interenchères.com. Parmi les planches de bande dessinée initialement proposées, on remarquait le lot 393, une étrange page signée Robert Crumb, portant le titre Blanchot et lettrée en français. La veille de la vente, la planche était retirée du site, sans explications. La raison était simple : il s’agissait d’un faux.

Cette planche, quelques-uns l’ont remarqué, correspondait à la première de l’histoire connue sous le titre Whiteman, parue dans Zap comix n° 1 en novembre 1967. Elle n’a jamais paru en France dans la version proposée et, même si c’eût été le cas, le texte n’aurait pas figuré en français sur l’original même, solidaire des dessins originaux. Selon toute apparence, ce faux aurait été fabriqué par les Canadiens qui, à une époque, avaient pour habitude de procéder ainsi quand ils « traduisaient » la production du maître de l’underground : ils la redessinaient purement et simplement !

La fausse planche de Robert Crumb

Si le lot n’avait pas été retiré de la vente, quelque acheteur aurait pu s’y laisser prendre.

Il y avait, dans le cas d’espèce, des éléments de nature à alerter les amateurs. Mais combien de faux circulent-ils sur le marché ? Sans doute plus qu’on ne le pense.

Le cas le plus notoire est bien sûr celui d’Edgar P. Jacobs. Non seulement 200 planches qui n’auraient jamais dû sortir des coffres de la Fondation Jacobs se sont retrouvées entre les mains de collectionneurs privés, dont une quinzaine seulement auraient transité par une vente aux enchères. L’affaire, qui implique des délits de vol et de recel, est toujours en cours d’instruction. Mais, comme si cela ne suffisait pas, il y eut aussi des faux Jacobs en circulation. Le spécialiste belge François Deneyer se souvient d’avoir eu entre les mains une dizaine de fausses planches des 3 Formules du Professeur Sato en 2007 ou 2008. « Je suppose que c’étaient des planches refaites ou décalquées par quelqu’un qui avait travaillé au studio, soit pour se faire la main, soit pour volontairement fabriquer des faux. » Le fait demeure : sans son intervention comme expert, elles allaient être proposées à la vente.

Un dessinateur reconnu, professionnel depuis un quart de siècle, installé à Angoulême, m’a un jour confié avoir été approché pour fabriquer des faux, et connaître des collègues qui ont accepté.

Une enquête approfondie sur le sujet, que je n’ai pas les moyens de mener, serait la bienvenue.

Bien entendu, les acheteurs qui se seraient laissés bernés lors d’enchères peuvent toujours entamer une procédure visant à l’annulation de la vente, si la fausseté de l’œuvre est démontrée.