La Bibliothèque nationale de France a lancé un appel aux dons pour l’aider à acquérir, auprès des ayant-droits de l’artiste, les 77 planches originales de La Bête est morte, le chef-d’œuvre de Calvo (sur un scénario de Victor Dancette), paru à la Libération (tome 1 en août 1944, tome 2 en juin 1945) et dont Gallimard assure la disponibilité en librairie depuis près d’un demi-siècle (rééditions en 1977, 1984, 1995 et 2007).
Considérée comme un chef-d’œuvre du XXe siècle, La Bête est morte présente un très haut intérêt tant historique (par le témoignage qu’elle constitue sur la Seconde Guerre mondiale) qu’artistique. Ce serait un achat de première importance, et la première fois que la BnF (qui a reçu des dons importants d’Uderzo, Schuiten, Wolinski, Willem ainsi que des planches de F’Murr par dation) ferait un gros effort financier pour acquérir une œuvre de bande dessinée.
Calvo est déjà fort bien représenté dans les collections du musée de la Bande dessinée d’Angoulême, qui possède, en particulier, Rosalie, Anatomies atomiques, Patamousse ainsi que Moustache et Trottinette. Avec l’entrée de La Bête est morte dans les collections publiques, c’est donc l’essentiel de l’œuvre du géant normand (1892-1957) qui serait préservé.
La Bibliothèque n’en fait mystère : le fait d’avoir vu une très belle sélection de 16 des planches en question exposée au 5e étage du Centre Pompidou (où l’on peut encore les admirer jusqu’au 4 novembre) a déclenché ce projet d’achat. Preuve, s’il en fallait, que les expositions, au-delà de la délectation procurée aux visiteurs, peuvent avoir des retombées très concrètes.
Le Centre Pompidou, justement, a communiqué, de son côté, sur l’entrée dans ses collections, voici quelques semaines, d’œuvres de dix dessinateurs : David B, Edmond Baudoin, Blutch, Nicolas de Crécy, Emmanuel Guibert, Benoît Jacques, Éric Lambé, Lorenzo Mattotti, Catherine Meurisse et Fanny Michaëlis, pour un total de 59 planches, illustrations et carnets.
Ces deux annonces presque simultanées, faites par deux des plus prestigieuses institutions culturelles de notre pays, sont un énième gage de la reconnaissance dont bénéficie à présent le « neuvième art ». Elles confortent une tendance qui demandait encore à être renforcée, celle de la préservation des œuvres et de la constitution d’un patrimoine.
Angoulême avait en la matière plus qu’une longueur d’avance : la Cité de la BD jouissait encore récemment d’un quasi monopole. En dépit de l’insignifiance de ses budgets d’acquisition, elle continue à accroître ses collections grâce à des dons importants (récemment Baudoin, Boilet, Bourgeon, Goetzinger, une autre partie de la dation F’Murr).
Le Cartoon Museum de Bâle, lui, qui achète principalement des œuvres en lien avec ses expositions temporaires mais possède une collection permanente très significative (où l’on remarque notamment un très bel ensemble de couvertures du New Yorker), quoique non accessible au public, a récemment obtenu de la Fondation auquel il est adossé un doublement de ses crédits d’acquisition.
La bande dessinée au musée : c’est désormais une réalité !