Un nouveau magazine de bande dessinée devrait voir le jour à la rentrée, un mensuel baptisé Charlotte. Si ce titre vous évoque quelque chose, c’est normal : la référence à Charlie mensuel, la mythique revue des éditions du Square, longtemps dirigée de main de maître par Wolinski, est pleinement assumée, puisque la graphie du titre (qui était déjà empruntée au Linus italien) sera rigoureusement la même. En même temps qu’un clin d’œil facétieux, le passage de Charlie à Charlotte apparaît comme un signe des temps, un symptôme appuyé de la féminisation de la bande dessinée.

En même temps qu’une nouvelle illustration de cette nostalgie de la grande époque de la presse illustrée, dont j’ai déjà parlé ici même (https://www.thierry-groensteen.fr/index.php/2023/10/17/les-77-ans-de-ti…nd-tu-nous-tiens/).

L’homme qui est à l’origine de cette nouvelle publication est Vincent Bernière. Il nous promet de la bande dessinée, des mangas et des comics de création, accompagnés de quelques rééditions. Il souligne aussi que le lancement d’un nouveau mensuel de BD généraliste ne s’était pas vu « depuis la fin de (A Suivre) en 1997 ». Il est vrai que Pandora, lancé par le même éditeur, Casterman, en 2016, avait prudemment opté pour une périodicité semestrielle, et n’a pas réussi à se pérenniser.

Je souhaite évidemment meilleur sort à Charlotte. Mais j’observe que Bernière est décidément un homme qui aime mettre ses pas dans ceux de ses prédécesseurs : son Bang ! (2003, coédité par Casterman et Beaux-Arts Magazine) devait beaucoup à 9e Art, la revue que je dirigeais pour le compte du musée de la Bande dessinée, et ses Cahiers de la bande dessinée sont la dernière mouture en date d’une revue mythique aux destinées de laquelle j’avais aussi présidé un temps. Ce n’est sans doute pas un hasard si la maison d’édition qu’il dirige depuis 2018 – en plus d’être éditeur chez Delcourt – a pour nom Revival. Et si l’on trouve à son catalogue un ouvrage qui reprend sans vergogne le titre d’un guide dont j’avais dirigé trois éditions en 1997, 1999 et 2002, La Bédéthèque idéale.

Vincent Bernière

(Photo X)

Toujours dans cette logique de continuation (d’appropriation ?) d’aventures éditoriales ayant laissé une empreinte forte dans le passé, Bernière a aussi été à l’initiative de la nouvelle série de Métal hurlant, à compter de 2021. Mais les Humanoïdes associés, dirigés par le discret Fabrice Giger, se sont débarrassés de lui un an plus tard pour nommer un autre rédacteur en chef, Jerry Frissen. Il s’en est suivi deux ans de procès qui se sont soldés par un règlement à l’amiable.

Nous avons bien affaire à un infatigable homme de presse, toujours prêt à se lancer dans une nouvelle aventure. Je ne sais s’il se rêve en tycoon. Mais j’attends avec curiosité la naissance de la petite Charlotte. Elle pourra tenir compagnie à Nicole, sa grande sœur publiée chez Cornélius.