L’Histoire de Monsieur Vieux Bois fut la toute première des histoires en estampes imaginée par Töpffer. Mais non la première à être publiée, puisque son créateur attendit dix ans pour la donner au public, sous un titre devenu Les Amours de Monsieur Vieux Bois.

Presque 200 ans après sa conception, l’histoire connaît une nouvelle édition sous un titre encore un peu différent. Ce sont désormais Les Nouvelles Amours de Monsieur Vieux Bois que nous proposent les éditions La Joie de Lire, à Genève (à l’heure où j’écris ce billet, l’album n’est pas encore distribué en France ; il le sera à compter de cet automne). On comprendra dans un instant ce qui a motivé ce changement.

Commençons par rappeler brièvement l’intrigue de cette bande dessinée dont les années n’ont pas entamé la drôlerie. Monsieur Vieux Bois, un homme d’un âge certain, tombe éperdument amoureux d’une jeune femme à peine entrevue, dont il ignore tout et qui ne sera jamais désignée que comme « L’Objet aimé ». S’ensuit un improbable enchaînement de mésaventures pathétiques et rocambolesques, ponctuées de suicides manqués, et auxquelles ne manque pas la figure d’un rival.

Selon les mots de l’éditeur, « chaque situation est prétexte pour Töpffer de tourner en dérision son personnage masculin et souligner la vaine absurdité des amours reposant sur l’objectivation de l’autre. » Cette relecture au prisme de la sensibilité d’aujourd’hui est sans doute ce qui a motivé (je ne sais qui précisément fut à l’initiative : l’éditeur, ou un.e de leurs professeur.e.s ?) sept jeunes artistes diplômé.e.s de l’École supérieure de bande dessinée et d’illustration de Genève en 2021, qui ont rendu hommage à leur célèbre précurseur en s’associant à cette nouvelle édition.Les Nouvelles Amours de Monsieur Vieux Bois

Lucas Berbiers, Chloé Chatelain, Vincent Cornut, Enzo Guillaume, Dylan Iacovelli, Jérémie Marguerat et Fanny Modena ont ainsi produit une cinquantaine de planches supplémentaires, qui ne prennent pas place, dans ce nouveau volume, après le récit de Töpffer, mais entrelardent celui-ci, venant s’interpoler entre les séquences, à intervalles tantôt distants, tantôt rapprochés (toutes les deux pages). Leurs approches sont variées, sur le plan graphique autant que sur le plan narratif. Les un.e.s restent plus ou moins fidèles au trait töpfférien, d’autres s’en écartent et introduisent des codes qui relèvent de la BD moderne ; et leurs ajouts tantôt développent l’intrigue par des bouffonneries supplémentaires, tantôt la commentent, tantôt explicitent des ellipses.

Trois des planches additionnelles. – © La Joie de Lire

L’étrange objet éditorial qui en résulte laisse des impressions mitigées. Les pages créées par les jeunes artistes sont, pour la plupart d’entre elles, plutôt réussies. Mais il est permis de rester sceptique devant ce « saucissonnage » d’un récit que sans doute peu de nos contemporains ont lu et qu’ils auront du mal à apprécier sous cette forme qui ne respecte pas son intégrité.

[ Rodolphe Töpffer et alii, Les Nouvelles Amours de Monsieur Vieux Bois, La Joie de Lire, Genève, décembre 2024, 22,90 €. ISBN : 9782889860050. ]